Une année qui démarre bien pour Louis-Jan
Ca y est !! Après 4 années de dur labeur à Duke, Louis-Jan récolte enfin le fruit de son travail avec la publication d'un de ses articles dans le journal scientifique Neuron. Ce journal est très bien côté puisqu'il est en compétition avec la revue Nature Neuroscience pour le titre de journal spécialisé le plus côté dans le domaine. Je suis vraiment très fière du chemin qu'il a parcouru. Il a bien voulu partager avec vous le cheminement de ses dernières années de recherche. C'est quand même la personne la mieux placée pour vous en parler :-)
Tout à commencé quand je me suis mis à étudier une souris mutante développée par ma chef, Debby Silver, durant son propre post-doc. Pour une raison obscure, cette souris avait un petit cerveau! Debby avait réussi à retracer l'origine génétique du problème. Cette souris possèdait un gène qui n'était pas exprimé au niveau souhaité. Ce gène s'appelle Magoh. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais Debby avait découvert que si l'on diminue le niveau d'expression de ce gène dans des cellules cancéreuses en culture, les cellules s'arrêtent de proliférer. Des analyses plus approfondies ont révélé que ces cellules cancéreuses sont bloquées au stade de mitose, pendant laquelle le matériel génétique préalablement dupliqué est distribué dans deux nouvelles cellules filles. Nous n'étions pas sûrs si ce bloquage arrivait également dans le cerveau de nos souris mutantes.
C'est à ce stade de la recherche que je suis entré en scène. Dans un premier temps, j'ai réalisé des films des cellules souches neurales à l'origine des neurones du cortex. Les résultats que ma chef avait obtenus dans les cellules cancéreuses étaient vrais aussi dans le cerveau embryonnaire de souris: une certaine fraction des cellules souches observées était freinée lors de la mitose! La deuxième étape a été de montrer que dans cette souris mutante, les cellules souches neurales ralenties pendant la mitose sont les cellules qui produisent ou bien des cellules malades qui meurent rapidement, ou bien des neurones de manière disproportionnée. En effet ces cellules souches doivent non seulement produire des neurones, mais se renouveler pour pouvoir continuer de produire des neurones plus tard. Si ces cellules souches produisent des neurones avant l'heure, leur nombre va diminuer et les neurones normalement produits plus tard ne pourront plus être produits puisqu'il n'y a plus de cellules souches. C'est comme si ces cellules étaient trop gourmandes avant l'heure, elles produisent trop de neurones à un moment où elles devraient produire de nouvelles souches pour plus tard.
L'étape suivante a été de généraliser cette découverte. Nous voulions tester l'hypothèse selon laquelle cette extension de la durée de mitose seule peut mener à ce problème de division dans d'autres contextes. Pour cela nous avons pris des cellules souches en bonne santé, puis nous avons arrêté leur mitose de marnière temporaire à l'aide d'un agent pharmacologique. Ensuite, nous avons retiré cet agent pour que les cellules reprennent là où elles en étaient restées. Que pensez-vous qu'il se passât? Vous l'avez deviné, ces cellules produisaient des cellules malades ou des neurones au lieu de nouvelles cellules souches!
Chez l'homme, de nombreuse mutations de différent gènes sont à l'origine d'une condition appelée microcéphalie où les bébés naissent avec une tête et un cerveau plus petit. Vous en avez peut-être entendu parler avec cette épidémie virale au Brésil qui étrangement cause la microcéphalie. Pour en venir aux mutations, celles-ci ont en commun que les gènes affectés ont pour rôle de gérer cette progression de la mitose. Nous pensons que c'est à cause de ce prolongement de la mitose dans les cellules souches neurales que ces bébés naissent avec un cerveau plus petit. Il est d'ailleurs possible qu'un tel mécanisme puisse être à l'oeuvre dans les cellules souches à l'origine d'autres organes, menant à d'autres maladies génétiques.
Je suis fier de dire que l'étude est parue dans "Science daily" que je lis régulièrement sur internet. Elle a également été sujette à des articles dans la gazette de Duke sous forme électronique et papier (vous pouvez lire la forme électronique ici). Espérons que les impacts sur la recherche seront grands! En tous les cas, une étude de cette envergure va me permettre d'aborder mon avenir professionnel avec plus de confiance. Cela dit, les dés sont loin d'êtres jetés. J'ai encore d'autres études prometteuses que je souhaite mener à bout avant de chercher un nouveau travail. La compétition est si rude qu'un papier ou deux de plus ne feront pas de mal... Allez, sur ce, j'y retourne :-)